Le Choc des Titans de Louis Letterier (2010)


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Classé dans cinéma

Edward Burne-Jones : à la recherche de l’intemporalité


En 1875, Arthur Balfour, homme politique et mécène commande à Edward Burne Jones, peintre membre de la confrérie pré-préraphaélite, une série de tableaux pour décorer son salon de musique, à Londres. Au final, huit panneaux sur les dix commandés seront exécutés. Le peintre s’inspire du poème de William Morris Le Paradis Terrestre pour raconter la vie de Persée en partant de la séduction de sa mère Danaé par Zeus. L’illustration ci-dessus montre le moment où où Persée délivre Andromède du monstre marin et date de 1884-85, il est conservé à la Southampthon City Art Gallery.

L’espace de la série de tableaux relève d’un certain mysticisme caractéristique des symbolistes et qui rappelle les tableaux de Gustave Morreau. Edward Burne Jones revisite les mythes en quête d’une vérité intemporelle. On peut noter ici que le décor fait de rochers diffère des nombreuses représentations du mythe que l’on peut avoir l’habitude de voir. Ici, il n’est pas inscrit dans le temps, ni dans un contexte géographique. Par ailleurs, on peut voir une opposition entre le traitement d’Andromède, nue comme une Vénus antique et le traitement de Persée qui vêtu d’une armure se rapproche de la représentation d’un chevalier médiéval. Autre innovation de ce tableau  : Andromède nous tourne le dos, on ne voit de son visage que son profil. Tout au long de ces cycles, le peintre est attentif aux détails et  à l’harmonie de l’ensemble. Il attribue à ses personnages des visages-types, beaux et peu expressifs. A travers cette absence d’émotion visible et forcément passagère, l’artiste tend à l’intemporalité.

Le thème du héros affrontant le dragon, ou une autre incarnation du mal, pour sauver ce qu’il y a de plus pur, souvent représenté chez le peintre par une femme, est récurent. Il rappelle les histoires de saint Michel ou saint George et le dragon. Le symbolisme joue avec les ambiguïtés et les ambivalences. Ici, Burne Jones joue avec l’ambivalence des exploits de Persée délivrant Andromède en liant ses gestes à ceux des saints guerriers Michel ou George.

 Francesca Palazzeschi

 

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Classé dans Angleterre, Peinture, politique, XIXe

Les bases de données iconographiques


Les images du blog Persée et Andromède ont été uniquement trouvées à partir de bases de données iconographiques. Pour les recherches, il a fallu faire appel à de nombreuses bases de données différentes de la même manière que pour des recherches documentaires on peut visiter de nombreuses bibliothèques.

La notion de bibliothèque et de conservation de l’information date de l’Antiquité. Le terme de document apparaît en 1931 alors que la notion, elle, le précède un peu, datant du 19ème siècle. C’est aussi des années 1930 que datent les premièrs travaux de répertorisation et théories de classification. C’est ensuite à partir des années 1960 qu’une explosion documentaire frappe le monde, on assiste à une diversification des supports avec les livres, les périodiques, les bandes magnétiques et internet.

Internet, justement, est un outil extraordinaire le problème étant qu’il faut savoir s’en servir pour le rendre pertinent, chose qui n’est pas toujours évidente. Si on se laisse aller à des recherches limitées par les grands moteurs de recherches par exemple, on ne va pas très loin. Les bases de données iconographiques dans notre cas permettent d’affiner les recherches mais elles posent aussi certains problèmes. Tout d’abord la qualité des reproductions n’est pas toujours satisfaisante et d’autres part les oeuvres ne sont pas toutes numérisées. Le Ministère de la Culture et de la Communication a mis en place avec les grandes institutions telles que les bibliothèques et les musées un Plan d’action gouvernemental pour la société de l’information (PAGSI) qui a pour but d’étendre la numérisation du patrimoine artistique et culturel (voir le site du gouvernement).

Les deux fonctions d’une base de données iconographiques sont communiquer et informer. La communication d’abord dans le cas où on cherche une image sur internet pour illustrer un propos, un article par exemple, pour ce blog. Dans ce cas, on a déjà une connaissance du sujet et on est à la recherche d’images précises qui viennent compléter notre propos. Informer ensuite, dans le cas où à travers nos recherches on découvre de nouvelles informations. Dans ce cas la base iconographique a une fonction encyclopédique.

La réussite de la recherche iconographique dépend aussi de l’indexation des images. Certaines images peuvent être présentes dans une base de données mais on peut éprouver des difficultés à la retrouver en raison de l’indexation. Celui-ci est un problème important auquel sont notamment confrontés les documentalistes. L’avènement récent du web collaboratif (ou Web 2.0) a induit une nouvelle forme d’indexation. Sur des sites comme FlickR par exemple, dont nous nous sommes servis pour illustrer ce blog, l’indexation des images peut se faire de façon aléatoire et elle n’est pas régi par des règles spécifiques. Cette pratique peut être en même temps utiles aux professionnels dans le sens où elle élargie le champ d’indexation et donne un nouveau regard sur les images mais il faut toutefois être attentif aux dérives. Les difficultés que l’on rencontre face à l’indexation des images sont d’abord la polysémie de l’image, de nombreux discours différents voir antagonistes peuvent être tenus sur une même image.  La subjectivité de l’image, chaque description d’une image est propre à celui qui la regarde. Enfin une indexation trop spécialisée qui limite les recherches aux spécialistes, rendant inaccessibles les images. Les choix pris en matière d’indexation des images dépend des buts que se fixent les bases iconographiques et nous contraignent ainsi à varier nos sources afin d’effectuer une recherche fructueuse.

Pour l’illustration de ce blog nous nous sommes servi principalement des iconothèques suivantes :

Francesca Palazzeschi

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Classé dans Autre, bases de données

Commentaire d’un article universitaire: Le mythe d’Andromède dans la tragédie de Corneille



Lefranc Abel, Le mythe d’Andromède dans la tragédie de Corneille, Comptes-rendus des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 72e année, N. 3, 1928. pp. 246-248. Télécharger l’article

     Andromède est une tragédie de Corneille (1606-1684), dramaturge français bien connu du XVII° siècle. Elle a été représentée pour la première fois en 1650 au Théâtre royale de Bourbon en présence du jeune Louis XIV, de Mazarin et de toute la Cour, accompagnée de la musique de Dassoucy et les machines de Torelli. Corneille mêle à une tragédie classique l’esthétique baroque des pièces à machines. La pièce a un aspect moralisant évident, Persée étant le héros vertueux par excellence, miroir de la vertu du roi qui est un modèle édifiant pour ses sujets. Mais on peut également y déceler un aspect plus personnel.

     Dans cet article, Abel Lefranc s’interroge sur l’identité de la dame inconnue désignée par quatre M majuscules à qui Corneille dédicace Andromède dans sa première publication de 1651. Après nous avoir présenté le contexte de représentation de la pièce, Abel Lefranc tente de lire entre les lignes de la dédicace à M. M. M. M. afin d’en tirer le plus d’informations sur cette personne. Elle semble être une dame de haut rang que Corneille aime et à qui il a déjà déclaré sa flamme au cours de visites récentes et sous le sceau du secret. L’auteur établit un parallèle entre l’histoire d’Andromède et celle de cette femme. C’est en relevant les écarts que Corneille a fait avec le texte antique d’Ovide qu’Abel Lefranc tente de découvrir quelle est la dame dont l’histoire peut être rapprochée de celle d’Andromède. Il part du principe que le monstre qui attaque Andromède représente un mariage contemporain « monstrueux » entre une jeune fille belle et séduisante livrée par ses parents à un vieil époux. Il appuie cette hypothèse par le fait que dans la tragédie de Corneille, Andromède n’est pas attachée nue au rocher mais en habit de noces. Il arrive à la conclusion que M. M. M. M. est Madame de Motteville qui épousa à vingt ans, en 1639, un homme de soixante cinq ans son aîné. Il termine en montrant que Corneille a pu connaître Mme de Motteville à Rouen puis à la Cour.

     Cette démonstration est intéressante pour deux raisons: elle apporte des révélations sur la vie sentimentale de Corneille et surtout, cela nous permet de préciser les conditions de la création de Cid et les rapports entretenus entre Corneille et l’entourage pro-espagnol de la reine Anne d’Autriche dont Mme de Motteville faisait partie.

Télécharger la pièce

Camille Bouffiès

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Classé dans baroque, classicisme, France, Littérature, Louis XIV, musique, tragédie, XVIIe

Le Mythe en Poésie: José-Maria de Heredia


Persée et Andromède

Au milieu de l’écume arrêtant son essor,
Le Cavalier vainqueur du monstre et de Méduse,
Ruisselant d’une bave horrible où le sang fuse,
Emporte entre ses bras la vierge aux cheveux d’or.

Sur l’étalon divin, frère de Chrysaor,
Qui piaffe dans la mer et hennit et refuse,
Il a posé l’Amante éperdue et confuse
Qui lui rit et l’étreint et qui sanglote encor.

Il l’embrasse. La houle enveloppe leur groupe.
Elle, d’un faible effort, ramène sur la croupe
Ses beaux pieds qu’en fuyant baise un flot vagabond ;

Mais Pégase irrité par le fouet de la lame,
A l’appel du Héros s’enlevant d’un seul bond,
Bat le ciel ébloui de ses ailes de flamme.

José-Maria de HEREDIA in Les Trophées, 1893

José-Maria de Heredia (1845-1905) est un poète français d’origine cubaine faisant partie du Mouvement Parnassien. Toute son oeuvre poétique est condensée en un seul recueil, Les Trophées, composé de 118 sonnets et qui retrace l’histoire de l’humanité. Il se divise en plusieurs groupes: la Grèce et la Sicile, Rome et les Barbares, Moyen âge et Renaissance, Orient et Tropiques, la Nature et le Rêve et les Conquérants de l’or. L’ouvrage fut illustré d’aquarelles originales de son ami Ernest Jean-Marie Millard de Bois Durand. Il fut élu à l’Académie Française suite à la parution du recueil.

Le Parnasse est un mouvement poétique français de la seconde moitié du XIX° siècle en réaction contre le Romantisme. Il refuse les épanchements sentimentaux et l’utilisation surabondante du « Je ». ll prône au contraire l’impersonnalité et le refus du lyrisme. Ils favorisent la distance et l’objectivité en traitant des thèmes tels que l’antiquité, l’histoire, les mythes et les légendes. Ils adhèrent au concept de « l’art pour l’art » énoncé par Théophile Gautier:  « Il n’y a de vraiment beau que ce qui ne peut servir à rien, tout ce qui est utile est laid. » Ils écrivent donc des oeuvres totalement gratuites, débarrassées des revendications sociales et politique des romantiques. Ils recherchent la perfection à travers l’érudition et la maîtrise des techniques littéraires. L’utilisation du sonnet et de l’alexandrin se généralise ainsi qu’un vocabulaire érudit et de vastes cycles poétiques.

Le poème de Hérédia s’inscrit parfaitement dans cette optique: c’est un sonnet (forme fixe composée de deux quatrains et de deux tercets) composé d’alexandrins avec les mêmes rimes embrassées (ABBA) dans les deux quatrains. Il fait partie d’un cycle et a pour sujet un mythe antique. On s’aperçoit ainsi que le mythe de Persée et Andromède a été réutilisé même au XIX° siècle qui préférait pourtant l’expression de ses propres sentiments et s’inspirait plutôt du Moyen Âge que de l’Antiquité.

Camille Bouffiès

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Classé dans France, Littérature, Poésie, XIXe

Les gravures de Hendrick Goltzius


Hendrick Goltz, plus connu sous le nom de Goltzius (1558-1617) est un célèbre graveur des Pays Bas espagnols qui permet au maniérisme italien de se développer dans les pays du Nord. Goltzius a gravé le mythe de Persée et Andromède pour illustrer les Métamorphoses d’Ovide en 1583, ces gravures sont importantes car elles ont inspirés un grand nombre de peintres et de graveurs du nord. Une des gravures de Goltzius ressemble d’ailleur beaucoup à l’oeuvre de Wtewael Persée secourant Andromède de 1611 conservé au Louvre à Paris.

En effet on retrouve dans ces deux œuvres la même disposition avec Andromède enchainée qui occupe un coté de la composition sur toute la hauteur, le monstre marin en arrière plan,  Persée chevauchant Pégase dans les airs et à l’avant plan aux pieds d’Andromède on retrouve ces éléments de coquillages assemblés à des squelettes.Il se trouve que c’est Wtewael qui c’est inspiré de Goltzius en reprenant cette composition en 1611 pour son tableau en la modifiant quelque peu en y ajoutant quelques éléments.

Pour sa gravure, Goltzius c’est inspiré des œuvres maniéristes du Titien ce qui donne à son Andromède ce corps déformé aux formes serpentines. Goltzius à découvert cet univers maniériste italien lors de son voyage en Italie en 1590-1591, où il reproduit en gravure le célèbre Hercule Farnèse, où est mis en avant la musculature du héros. Dans cette gravure, Goltzius met plutôt en avant le décors et les éléments végétaux qui entourent ce nu féminin. L’expression du visage d’Andromède est aussi très intéressant il est entre la peur et l’espoir. Dans cette gravure il y a beaucoup de mouvement: la mer est déchainée, Persée est en plein combat avec le monstre marin, et Andromède contrairement à de nombreuses représentation n’a pas une pose lascive, elle semble vouloir essayer de  se dégager du rocher où elle est enchainée.

L’œuvre de Goltzius fut reprise dans de nombreuses gravures et de nombreuses peintures, comme chez Wtewael, Saerandam, et Matham.

Célia Chettab

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Classé dans Autre, composition, maniérisme, Pays-Bas, Peinture, XVIIe

La fantaisie de Piero di Cosimo


Piero di Cosimo, La Libération d’Andromède, 1510, huile sur bois, 70 cm x 123 cm, Florence, Galerie des Offices

Piero di Cosimo (1462-1522) est un peintre italien de la Renaissance Florentine. C’est un artiste qu’on pourrait qualifier d’excentrique pour son goût pour le fantastique, les êtres étranges et les formes aberrantes. Il a en commun avec Léonard de Vinci son goût pour l’observation attentive de la nature afin d’en tirer des « inventions merveilleuses« . Dans ses Vite, Giorgio Vasari parle de lui en ces termes:

« Dans tout ce qu’il a fait, on retrouve son esprit curieux et original; sa propre subtilité a su saisir les subtilités les plus aiguës de la nature. Il travaillait sans mesurer son temps ni ses efforts, seulement pour son plaisir et pour l’amour de l’art. »

– Giorgio Vasari, 1568

La libération d’Andromède a été peinte en 1510 pour le prince Strozzi. C’est un sujet qui lui permet de donner libre cours à son imagination. Il choisit de représenter tous les épisodes du mythe en un seul tableau, un peu comme une bande dessinée. Les différentes scènes s’enchaînent selon une composition circulaire accentuée par la lagune ronde. On aperçoit Persée qui arrive en volant grâce aux ailes de Mercure en haut à droite du tableau. Au second plan, les villageois sont en train de sacrifier plusieurs d’entre eux pour apaiser la colère des dieux. Au centre du tableau, on voit le combat entre Persée et le dragon. C’est cet épisode qui est mieux mis en valeur. Di Cosimo l’a sûrement préféré car il lui permet de représenter un monstre parfaitement fantaisiste: il a une longue queue en écailles, des pâtes palmées dotées de longues griffes, une colerette rouge, un nez protubérant et de longues défenses. Andromède se trouve à gauche, enchaînée non pas à un rocher mais à un arbre, symbole phallique. Au premier plan à gauche, le roi et la reine d’Éthiopie se lamentent avec toute leur cour. Enfin, au premier plan à droite, Di Cosimo a représenté la fête donnée en l’honneur de la libération d’Andromède. Elle court dans les bras de son père, la cour l’acclame en tenant des rameaux d’olivier, symboles de paix. On note également les deux musiciens qui tiennent des instruments tout droit sortis de l’imagination du peintre et impossibles à réaliser dans la réalité. Dernier détail: Piero di Cosimo s’est représenté sous les traits du personnage qui nous regarde en bas à droite.

Di Cosimo reste donc très fidèle au texte d’Ovide. Il se permet toutefois des fantaises (monstre, instruments), donnant libre cours à son imagination. La minutie avec laquelle il représente tout les détails de l’histoire donne au tableau un ton naïf et décalé qui lui est propre.

Camille Bouffiès

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Classé dans composition, Italie, monstre, Peinture, Renaissance, XVIe

Mignard et Le Brun: rivalités à Versailles


Pierre Mignard, La délivrance d’Andromède, 1679, huile sur toile, 1,88 x 2,47 m, Paris, Musée du Louvre

Pierre Mignard (1612-1695) est un des plus célèbres peintres classiques français. Après s’être fait connu en Italie, Mignard fut appelé par le roi à la cour où il devint la coqueluche des grandes dames de la cour pour ses portraits et pour ses grandes compositions décoratives. Il y est en rivalité avec le premier peintre du roi: Le Brun. À la mort de ce dernier, Mignard est anobli par le roi et devient à son tour premier peintre. Il était également l’ami des plus beaux esprits de son temps: Molière, Bossuet, Racine, La Fontaine… dont il fit les portraits.

La délivrance d’Andromède, un tableau de chevalet à sujet mythologique, constitue une exception dans l’oeuvre de Mignard. Il lui a été commandé par Louis II de Bourbon, dit Le Grand Condé, en 1676 pour son château de Chantilly. D’après Fénelon, Condé aurait demandé en même temps à Le Brun de peindre un tableau représentant Vénus et Vulcain dans le but de comparer les deux artistes.

Mignard s’approprie le sujet de façon originale. Il choisit de représenter l’instant où le roi et la reine d’Éthiopie remercient Persée pour la délivrance de leur fille Andromède. Ce moment n’avait jamais été représenté en peinture avec autant d’insistance jusqu’alors. C’est la figure de Persée, et non celle d’Andromède, qui occupe l’axe central de la composition. Andromède est reléguée à la droite du tableau, Persée ne prend même pas la peine de la délivrer de ses chaînes, laissant un putti s’en charger. Toute l’attention est portée sur les remerciement frénétiques que reçoit Persée.

Ce choix s’explique dans le contexte d‘intrigues et de rivalités qui baignaient la cour de Versailles. En effet, Mignard donne une signification politique à la scène, conformément au souhait de son commanditaire. Le Grand Condé, pair de France et premier prince du sang, avait été l’un des meneurs de la Fronde. Il réussit toutefois à obtenir le pardon royal et à retrouver un commandement dans l’armée du roi. Il remporta alors de nombreuses victoires pour le compte de la France. Dans ce tableau, Condé veut se montrer comme l’égal de Persée qui, ayant  délivré la France de ses ennemis, est en droit de recevoir les plus grands honneurs.

D’un point de vue plastique, cette oeuvre est un parfait exemple du classicisme. Mignard s’inspire du peintre italien Annibale Carrache dont il reprend les couleurs vives, en réaction avec les contrastes forts et sombres du Crarvagisme. Il privilégie une composition simple, en frise, évitant les diagonales de l’art baroque qui brouillent la lisibilité de l’oeuvre. Il porte une grande attention au dessin, les contours sont nets, la touche lisse et la lumière uniforme, contre le traitement privilégié des matières et les effets de couleur et de lumière de l’art baroque. La peinture classique vise à un « idéal de clarté ». Il sert à exalter, dans la monarchie française de plus en plus centralisée et absolutiste, l’exemple du souverain ou des aristocrates.

Camille Bouffiès

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Classé dans classicisme, composition, couleur, France, Louis XIV, Peinture, politique, XVIIe

De Chirico, entre classicisme et surréalisme


Giorgio de Chirico, Perseo libera Andromeda, 1953, huile sur toile, 0,91 x 1,16 m, Rome, Fondazione de Chirico

Giorgio de Chirico (1888-1978) est le peintre italien le plus connu du XX° siècle. Admiré des surréalistes français jusqu’en 1925 pour sa peinture onirique et métaphysique, il change radicalement de style à son retour en Italie, se trounant vers les peintres de la Renaissance tels que Titien et Raphaël. Les surréalistes lancent alors la rumeur comme quoi il aurait trahi, qu’il n’est plus un moderne mais un nostalgique de l’art ancien. Cette opinion a persisté jusqu’à aujourd’hui, les rétrospectives s’arrêtant en 1930, comme si la suite de son oeuvre était indigne d’être montrée. La deuxième partie de sa production a été réhabilitée aux yeux des historiens d’art et du public lors de la rétrospective qui a eu lieu au Musée d’Art Moderne de Paris en 2009 et qui prend le partit de tout montrer, même les oeuvres les plus extravagantes et les plus pompiers.

Persée libérant Andromède, peint en 1953, fait partie de la seconde partie de son oeuvre. Sa devise est alors « Pictor Classicus Sum » (Je suis un peintre classique). Il fait un pratique constante de la copie des peintres de la Renaissance et se converti à un style néo-classique, retournant à la couleur, au dessin et à l’iconographie traditionnelle. De Chirico ne s’interdit vraiment rien et joue des maîtres et des sujets avec une désinvolture sans remords. Cet aspect se retrouve dans Persée et Andromède: il fait le choix d’un sujet mythologique que les peintres de la renaissance comme Titien et Véronèse avaient traité. Il reprend des éléments de leur composition: Andromède est au premier plan et occupe toute la hauteur du tableau alors qu’on voit Persée combattant le dragon au second plan.

L’aspect métaphysique de sa peinture n’a toutefois pas disparu. Il opère de nombreux changements aussi bien dans les éléments représentés que dans la manière dont il peint. Andromède n’est pas une jeune fille éplorée appelant au secours comme dans l’iconographie traditionnelle. Elle n’est même pas enchainée mais assise confortablement sur un lourd tissu rouge, regardant stoïquement le combat. Elle apparait plus comme une femme fatale qui perd les hommes. Elle se détache sur un tissu noir qui a l’air de flotter dans les airs. Elle a un aspect très moderne: sa coiffure, son corps, son visage correspondent à l’idéal féminin du XX° siècle. À ses pieds on voit un tas de pierres assez mystérieux qui ressemblent à des ossements. Persée non plus n’a pas l’aspect habituel: il est vêtu d’une armure médiévale, il est monté sur un cheval ordinaire et il ne porte ni le bouclier à tête de Méduse ni l’épée recourbée. Aucun détail ne situe la scène représentée dans son contexte.

Tout ces éléments font de ce tableau une oeuvre mystérieuse, onirique, presque métaphysique, dont le style est si particulier à de Chirico. Elle apparaît comme une réflexion sur la tentation et la folie qui peut gagner les hommes pour l’amour d’une belle femme. Andromède, idéal de beauté féminine, apparaît trônant, regardant avec indifférence les efforts de Persée pour la séduire. Le combat de Persée, lointain, semble dérisoire et inutile tandis que le tas d’ossements au premier plan évoque les dangers qu’il court non pas à affronter le monstre, mais à s’approcher d’Andromède. Le tout est traité d’une manière très froide: la lumière crue, les contours nettement délimités, les personnages figés… Il se dégage du tableau une impression surnaturelle, étrange, hors du temps et de l’espace, comme dans un rêve.

Le style si particulier de De Chirico va beaucoup influencer les artistes européens. La Nouvelle Objectivité en Allemagne, le surréalisme en France et en Belgique et l’art italien lui doivent tous quelque chose. La liste de ses débiteurs est brillante : d’Ernst à Dali, en passant par Magritte, Dix, Carra et Miro.

Camille Bouffiès

 

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Classé dans Italie, métaphysique, Peinture, surréalisme, XXe

Pierre Puget, Persée et Andromède


 

Persée et Andromède, Pierre Puget, 1678-1684, Marbre de Carrare , Musée du Louvre

Pierre Puget (1620-1694), est un illustre sculpteur français, qui a été formé au cours de ses voyages en Italie dont les influences sont omniprésentes dans son œuvre. Il est connu comme étant le plus baroque des sculpteurs, et cette sculpture de Persée et Andromède en est un exemple. Cette sculpture en marbre de Carrare a été réalisée entre 1678 et 1684 pour le roi Louis XIV pour le jardin de Versailles.

L’artiste a choisi de représenter l’instant où Persée libère Andromède de ses chaines, on le voit ici assisté d’un putti, l’artiste s’éloigne donc du texte d’Ovide. Au pied de Persée Puget a sculpté les armes et le bouclier de Persée aux cotés de la tête de la Méduse, ce qui rappelle l’élément du mythe antérieur à cette scène : le combat entre Persée et la Méduse. Persée est représenté avec le pétase ailé de mercure, et l’épée que les dieux lui avaient donnée pour le combat contre la gorgone. Dans cette sculpture le mouvement est donné par le manteau de Persée qui semble être comme gonflé par le vent, la pause des personnages donne encore plus de mouvement, son corps est entièrement en tension : le bras tendu, le pied qui se décolle du sol. Le corps d’Andromède aussi est en mouvement même si elle est passive dans cette scène, elle semble tomber de son rocher dans les bras de Persée. Le putti qui se détache de ces deux corps entrelacés et qui tire la chaine vers l’arrière sert de lien avec les objets entassés aux pieds des personnages.

Le décor au pied des personnages sert de rappel au mythe et permet de l’identifier. C’est un entassement d’objet à la manière très baroque.  Tout comme les corps entremêlés à la musculature, pour Persée, et à la chaire, pour Andromède, ont quelque chose qui rappelle les peintures de Rubens.

Pierre Puget était très apprécié à la cour du roi de France, cette renommée est toujours d’actualité car son nom a été donné à l’une des cours couvertes du Louvre de l’aile Richelieu qui renferme le département des sculptures depuis 1993.

Célia Chettab

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Classé dans baroque, France, Louis XIV, sculpture, XVIIe