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Commentaire d’un article universitaire: Le mythe d’Andromède dans la tragédie de Corneille



Lefranc Abel, Le mythe d’Andromède dans la tragédie de Corneille, Comptes-rendus des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 72e année, N. 3, 1928. pp. 246-248. Télécharger l’article

     Andromède est une tragédie de Corneille (1606-1684), dramaturge français bien connu du XVII° siècle. Elle a été représentée pour la première fois en 1650 au Théâtre royale de Bourbon en présence du jeune Louis XIV, de Mazarin et de toute la Cour, accompagnée de la musique de Dassoucy et les machines de Torelli. Corneille mêle à une tragédie classique l’esthétique baroque des pièces à machines. La pièce a un aspect moralisant évident, Persée étant le héros vertueux par excellence, miroir de la vertu du roi qui est un modèle édifiant pour ses sujets. Mais on peut également y déceler un aspect plus personnel.

     Dans cet article, Abel Lefranc s’interroge sur l’identité de la dame inconnue désignée par quatre M majuscules à qui Corneille dédicace Andromède dans sa première publication de 1651. Après nous avoir présenté le contexte de représentation de la pièce, Abel Lefranc tente de lire entre les lignes de la dédicace à M. M. M. M. afin d’en tirer le plus d’informations sur cette personne. Elle semble être une dame de haut rang que Corneille aime et à qui il a déjà déclaré sa flamme au cours de visites récentes et sous le sceau du secret. L’auteur établit un parallèle entre l’histoire d’Andromède et celle de cette femme. C’est en relevant les écarts que Corneille a fait avec le texte antique d’Ovide qu’Abel Lefranc tente de découvrir quelle est la dame dont l’histoire peut être rapprochée de celle d’Andromède. Il part du principe que le monstre qui attaque Andromède représente un mariage contemporain « monstrueux » entre une jeune fille belle et séduisante livrée par ses parents à un vieil époux. Il appuie cette hypothèse par le fait que dans la tragédie de Corneille, Andromède n’est pas attachée nue au rocher mais en habit de noces. Il arrive à la conclusion que M. M. M. M. est Madame de Motteville qui épousa à vingt ans, en 1639, un homme de soixante cinq ans son aîné. Il termine en montrant que Corneille a pu connaître Mme de Motteville à Rouen puis à la Cour.

     Cette démonstration est intéressante pour deux raisons: elle apporte des révélations sur la vie sentimentale de Corneille et surtout, cela nous permet de préciser les conditions de la création de Cid et les rapports entretenus entre Corneille et l’entourage pro-espagnol de la reine Anne d’Autriche dont Mme de Motteville faisait partie.

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Camille Bouffiès

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Classé dans baroque, classicisme, France, Littérature, Louis XIV, musique, tragédie, XVIIe

Le Mythe en Poésie: José-Maria de Heredia


Persée et Andromède

Au milieu de l’écume arrêtant son essor,
Le Cavalier vainqueur du monstre et de Méduse,
Ruisselant d’une bave horrible où le sang fuse,
Emporte entre ses bras la vierge aux cheveux d’or.

Sur l’étalon divin, frère de Chrysaor,
Qui piaffe dans la mer et hennit et refuse,
Il a posé l’Amante éperdue et confuse
Qui lui rit et l’étreint et qui sanglote encor.

Il l’embrasse. La houle enveloppe leur groupe.
Elle, d’un faible effort, ramène sur la croupe
Ses beaux pieds qu’en fuyant baise un flot vagabond ;

Mais Pégase irrité par le fouet de la lame,
A l’appel du Héros s’enlevant d’un seul bond,
Bat le ciel ébloui de ses ailes de flamme.

José-Maria de HEREDIA in Les Trophées, 1893

José-Maria de Heredia (1845-1905) est un poète français d’origine cubaine faisant partie du Mouvement Parnassien. Toute son oeuvre poétique est condensée en un seul recueil, Les Trophées, composé de 118 sonnets et qui retrace l’histoire de l’humanité. Il se divise en plusieurs groupes: la Grèce et la Sicile, Rome et les Barbares, Moyen âge et Renaissance, Orient et Tropiques, la Nature et le Rêve et les Conquérants de l’or. L’ouvrage fut illustré d’aquarelles originales de son ami Ernest Jean-Marie Millard de Bois Durand. Il fut élu à l’Académie Française suite à la parution du recueil.

Le Parnasse est un mouvement poétique français de la seconde moitié du XIX° siècle en réaction contre le Romantisme. Il refuse les épanchements sentimentaux et l’utilisation surabondante du « Je ». ll prône au contraire l’impersonnalité et le refus du lyrisme. Ils favorisent la distance et l’objectivité en traitant des thèmes tels que l’antiquité, l’histoire, les mythes et les légendes. Ils adhèrent au concept de « l’art pour l’art » énoncé par Théophile Gautier:  « Il n’y a de vraiment beau que ce qui ne peut servir à rien, tout ce qui est utile est laid. » Ils écrivent donc des oeuvres totalement gratuites, débarrassées des revendications sociales et politique des romantiques. Ils recherchent la perfection à travers l’érudition et la maîtrise des techniques littéraires. L’utilisation du sonnet et de l’alexandrin se généralise ainsi qu’un vocabulaire érudit et de vastes cycles poétiques.

Le poème de Hérédia s’inscrit parfaitement dans cette optique: c’est un sonnet (forme fixe composée de deux quatrains et de deux tercets) composé d’alexandrins avec les mêmes rimes embrassées (ABBA) dans les deux quatrains. Il fait partie d’un cycle et a pour sujet un mythe antique. On s’aperçoit ainsi que le mythe de Persée et Andromède a été réutilisé même au XIX° siècle qui préférait pourtant l’expression de ses propres sentiments et s’inspirait plutôt du Moyen Âge que de l’Antiquité.

Camille Bouffiès

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